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Mon identité
5 juillet 2016

L'emprise mentale du FN

La France des idées est tirée par les souverainistes vers le passé et l'irréalisme. Il faut faire demi-tour et trouver un discours positif et concret sur l'avenir. En commençant par former un gouvernement de coalition. N' y a-t-il donc en France que le choix entre la décrédibilité et l'incrédibilité? Entre des personnages et des partis traditionnels à qui plus personne ne fait confiance et un Front national dont la démagogie est sidérante? Entre des promesses reniées et des promesses folles? Un électeur sur deux n'a pas voté aux élections régionales. À leurs yeux, aucune liste ne valait le déplacement. Et 28% des suffrages exprimés ont choisi du «neuf» pour donner un coup de balais mais du neuf qui sent furieusement le vieux: la thèse du Front national est de revenir en arrière, aux Trente Glorieuses mythifiées, d'une nation souveraine, fermée, sans chômage et d'un État omnipotent. La base de la démonstration est fausse. Si l'économie des Trente Glorieuses a été flambante, c'est grâce à l'ouverture du commerce français à la Communauté européenne et grâce aux travailleurs immigrés dans l'industrie. Aujourd'hui, plus encore qu'en 1958, l'avenir de la France repose sur l'Europe, aussi bien en matière de sécurité, d'immigration que d'économie. Mais l'Europe effraie les partis politiques et ennuie les journaux. Marine Le Pen progresse parce qu'elle a gagné la bataille intellectuelle: elle a bloqué la France dans ce faux choix entre, d'un côté, les deux partis qui seraient semblables, «l' UMPS», et leur politique libérale d'ouverture européenne qui serait «en échec» et, de l'autre, ce qui serait la «solution», la fermeture souverainiste, le regard bleu nostalgie. Le modèle de la démocratie espagnole Rompre la progression du FN impose de ne pas mettre le pied dans cette pente souverainiste où Marine Le Pen sera toujours la plus forte. Mais l'essentiel est de redonner du crédit à la politique. Comment? L'Espagne de son passé franquiste garde une interdiction de l'extrême droite. Elle est en cela différente de la France. Mais la politique y a été rénovée, depuis deux ans, de façon instructive. Deux partis sont nés de rien, Podemos à l'extrême gauche, et Ciudadanos au centre droit. Ils ont bousculé le paysage de la gauche et la droite. Ils ont permis l'émergence d'un personnel jeune, réellement neuf. Pablo Iglesias, secrétaire général de Podemos a 37 ans, Albert Rivera, président de Ciudadanos, 36 ans. La vérité et la transparence y sont l'ADN, conformément à notre époque internet. Les Espagnols leur reconnaissent un discours courageux, différent. Ciudadanos est né d'un refus du nationalisme idéaliste et rigide de la Catalogne. Il ose s'affirmer libéral, en faveur du marché, de l'immigration, de l'Europe. Il ose aussi proposer une hausse de la TVA, mesure taboue en Espagne comme en France. Podemos est plus traditionnellement gauchiste mais il faut retenir sa façon de renouveler la démocratie par le bas, par la société civile, c'est-à-dire les problèmes concrets de la base de la population. Ada Calau, la maire de Barcelone, s'occupait auparavant des propriétaires expulsés faute de pouvoir payer leurs traites. Retenir aussi sa détermination pro-européenne. Le débat sur «l'autre Europe» est souvent vide mais il a le mérite de servir d'aiguillon dans une Europe immobile. Mille petites solutions plutôt qu'une grande Le Parti socialiste et le Parti populaire ne se sont pas effondrés parce qu'ils ont été forcés de réagir. Le résultat des élections du 20 décembre est très incertain, mais la politique en Espagne donne une preuve de sa vigueur autour du renouvellement des personnes et des idées. À gauche, l'avenir n'est qu'une menace, il n'est question que du maintien des statuts, des acquis, du modèle social. À droite, l'avenir n'existe jamais On en tire trois leçons pour la France. 1 - Le combat est d'abord intellectuel. La France des idées est tirée par les souverainistes vers le passé et l'irréalisme. Il faut faire demi-tour et trouver un discours positif et concret sur l'avenir. À gauche, l'avenir n'est qu'une menace, il n'est question que du maintien des statuts, des acquis, du modèle social. À droite, l'avenir n'existe jamais. Le programme des Républicains, s'il y en a un, c'est celui de Marine Le Pen, plus des coupes budgétaires. Dans les deux camps, il est également interdit de se dire pro-européen, l'électorat vous punirait. Le XXIe siècle ne s'ouvre certes pas sur une allée de roses. Mais il est celui des opportunités, et il n'est pas nécessairement celui de la régression sociale. L'économie et l'ensemble des sciences sociales ont énormément travaillé sur ces questions. Il n'y a pas de grande solution, mais il y en a mille petites. La classe politique est aujourd'hui ignorante de ces travaux, elle a des idées qui datent, pas moins que celles du FN. L'État devrait, ceci dit au passage, financer enfin correctement les think tanks, et respecter leur indépendance. Il est besoin d'une complète remise à plat radicale des politiques de l'éducation, des aides sociales, des transports comme du logement. Le modèle est ici sûrement la Grande-Bretagne. 2 - Renouveler les têtes, ce qui est sans doute, à cause de la professionnalisation de la politique, encore plus difficile que la rénovation des idées. C'est là une lourde tâche pour les responsables que d'apprendre à attirer des talents, les meilleurs, alors qu'aujourd'hui y viennent non plus les énarques mais ceux qui ont raté l'ENA. 3 - La stratégie de l'union est celle retenue face au FN. Union à droite et union à gauche. Il faudra en bonne logique la pousser au bout, comme dans ces régionales, et aboutir à un gouvernement de coalition dans un seul but unique : accélérer les réformes pour donner un avenir à la classe moyenne, le FN verrait alors son terreau s'assécher. Une autre stratégie peut exister: créer des nouveaux partis comme en Espagne, pour noyer le FN dans des propositions modernes aux nombreux jeunes qui votent pour lui, et faire la démonstration de sa vieillerie.

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