L'Art Cru, un art à découvrir d'urgence

Dernièrement, je me suis rendu à Bordeaux pour le travail. Une ville que je n'avais encore jamais visitée, et dont je ne savais presque rien. Bordeaux évoquait immédiatement pour moi les vins éponymes, et les vignobles de Saint emilion aux alentours. Mais c'était à peu près tout. Du coup, j'ai cherché ce qu'il y avait à découvrir là-bas, et suis tombé sur un article intéressant de voyage insolite, où il était question d'un intrigant musée : l'Art Cru Muséum. Le concept même de ce musée m'a aussitôt intrigué. En effet, quand Guy Lafargue, thérapeute de formation, a fondé cet Art Cru Muséum, son but n'était surtout pas de créer un nouveau mouvement artistique, mais simplement de regrouper en un même lieu des œuvres d’hommes et de femmes impliqués dans un processus de création alors qu’ils traversaient une crise existentielle. On est donc loin de l'art traditionnel, ou de l'art contemporain qui n'a de sens qu'avec une brochure explicative. Là, véritablement, on est dans l'art dans ce qu'il a de plus cru, de plus rude. Les autodidactes quit ont réalisé ces oeuvres n’ont pas de formation artistique et la finalité n’est pas la performance. Et c'est justement pour cela que la mise en scène de leur mal-être, libérée de tout académisme, devient aussi poignante par leur authenticité. Il s'agit là d'une expérience créatrice unique, souvent violente, permettant d’exorciser les haines et les peurs, mais aussi l’amour qui hantent l'intimité des âmes en souffrance. Plus d’un millier d'œuvres, fréquemment qualifiées « d’urgence », sont exposées dont certaines réalisées dans des ateliers pédagogiques: collages, sculptures, peintures... L’expressionnisme qu'on y découvre est profondément bouleversant, et on devine, face à l’agressivité arrachée au plus profond de l’être et retransmise à l’objet, le colossal travail d’introspection nécessaire à la reformulation « crue » des traumatismes accumulés, trop souvent enfouis dans la confusion des consciences. L’objet créé permet ainsi la reconnaissance de cette souffrance et son acceptation, pour enfin la dépasser et s’engager dans une reconstitution de soi indispensable. Un concept extraordinaire. Contrairement aux arts trop intellectuels, froids, l’art cru est plutôt un mouvement de l’âme dans ses tourments les plus profonds. Il devient donc véritablement universel et accessible à tout être humain qui se reconnaît parfois dans une des œuvres ou qui y devine un chemin vers sa propre plénitude. Ce voyage insolite n'était pas tant spatial que mental et émotionnel, et m'a conduit plus loin que ne l'a jamais fait un Picasso ou un Warhol.